EELV-36 a dévoilé, en septembre, la présence d’un herbicide dans l’eau des principaux captages de l’agglomération de Châteauroux. Les dépassements les plus élevés se trouvant sur Ardentes nous avons cherché à savoir comment était protégé le captage, dit « Les carreaux » .
Surprise : ce captage pourtant déclaré « d’utilité publique » dès 2009, n’a pas encore aujourd’hui des « périmètres de protection »(*) définis : « le dossier de demande d’autorisation du forage […] est [toujours] en cours d’instruction par les services de la Préfecture et de l’ARS. La procédure n’est pas achevée ».
En réalité il semble que ni Préfet, ni le président d’Agglomération, ni le maire n’ont osé imposer des « périmètres de protection » à des agriculteurs riverains du captage, se privant ainsi de tout moyen de protéger l’eau potable des infiltrations d’azote et de pesticides.(voir à la fin, sous la lettre un exemple des pressions exercées).
Depuis près de 10 ans l’eau est donc distribuée aux habitants sans aucune protection !
Nous avons donc écrit au Préfet et au Président de l’agglomération pour les rappeler à leurs devoirs.
(*) : Les périmètres de protection, définis dans le code de la santé publique (art. L.1321-2 et R. 1321-13 du CSP), s’affirment comme l’outil privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution locale, ponctuelle et accidentelle, susceptible d’altérer la qualité des eaux prélevées. (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/CAPTAGE_WEB.pdf)
Lettre envoyée le 25 octobre 2019
Monsieur le Préfet, Monsieur le Président de la Communauté d’Agglomération Castelroussine,
Voilà quelques semaines, nous avons découvert que les habitants de Châteauroux, Déols, Ardentes et Étrechet buvaient une eau contaminée par l’ESA métazachlore, métabolite d’un herbicide utilisé sur les cultures de colza, au point que la limite de qualité pour 3 forages était largement et systématiquement dépassée depuis le printemps 2018. Faute d’analyses antérieures, rien ne nous permet de penser que ce n’était pas déjà le cas auparavant. Pour plus de 50.000 habitants, l’eau potable distribuée est non conforme en raison du « dépassement de qualité pour la teneur en ESA métazachlore » Nous l’avons dénoncé en septembre dernier.
En dépit de nos demandes d’informations précises et réitérées auprès de l’ARS, par voie orale puis écrite, nous n’avons eu que des réponses lapidaires et imprécises.
En octobre 2009, le Préfet de l’époque signait un arrêté déclarant « d’utilité publique la création d’un forage d’exploitation en eau destinée à l’alimentation humaine (EDCH) au lieu-dit « Les Carreaux » par la communauté d’agglomération castelroussine – commune d’Ardentes ».
Depuis, le forage, la construction des installations de pompage et l’injection de l’eau dans le réseau d’eau potable ont été effectués.
Au regard des réponses à une demande de copie de l’arrêté d’exploitation et de distribution à l’ARS et à la mairie d’Ardentes afin de connaître les zones de protection de ce captage, nous constatons que cet arrêté n’existe pas, que « le dossier de demande d’autorisation du forage […] est [toujours] en cours d’instruction par les services de la Préfecture et de l’ARS. La procédure n’est pas achevée […] puisqu’un l’hydrologue agréé, missionné sur ce dossier, n’a pas encore restitué son avis définitif ». (Réponses des 25, 26 septembre et du 10 octobre).
Ainsi, un captage d’EDCH peut être exploité sans que les procédures d’autorisation soient achevées, sans qu’aucun arrêté ne définisse les périmètres de protection ? Résultat : aujourd’hui, dans ce forage, l’ESA métazachlore est présent à 17 fois la limite de qualité des eaux distribuées aux populations. (Analyses de juin 2019).
Nous nous interrogeons sur les raisons qui expliquent ces retards. Comment les services de l’État et les élus de l’agglomération peuvent-ils ainsi tolérer depuis des années une telle situation que nous jugeons anormale, voire dangereuse pour la santé publique, et, qui plus est, sans véritable information des habitants des communes concernées.
Vous auriez dû, Monsieur le Président de l’agglomération castelroussine, engager des mesures visant à faire cesser cette pollution par des pesticides des eaux souterraines destinées à la consommation humaine, et solliciter une dérogation préfectorale pour poursuivre la distribution des eaux polluées le temps de revenir le plus rapidement possible à une situation satisfaisante. Vos services et ceux de l’État ont les moyens juridiques, coercitifs, économiques, afin de faire cesser ces pollutions. Pourquoi n’en avez-vous rien fait ?
Monsieur le Préfet, Monsieur le Président de l’agglomération castelroussine, les pesticides ne sont pas des constituants naturels des eaux souterraines. Après ce constat de bon sens que nous espérons partagé par les agriculteurs et vous-mêmes, et en vertu du principe de précaution, il est temps de ne plus accepter les pollutions par les pesticides. Contrairement à ce que vous affirmez, il n’y a aucune certitude sur l’absence de risque sanitaire pour l’eau potable qui est distribuée aux habitants de l’agglomération castelroussine. Nous vous invitons ainsi à consulter l’avis de l’ANSES du 17 février 2016 à propos de l’ESA métazachlore : vous y lirez que « le métazachlore est considéré comme susceptible de provoquer le cancer chez l’animal… » mais que « il n’y a pas eu d’étude de cancérogénicité pour les métabolites du métazachlore ».
Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet et Monsieur le Président de l’agglomération de Châteauroux, en mes respectueuses salutations.
Pierre MORIZET, porte-parole, pour EELV 36
Exemple de pression exercée par un riverain du captage : action au tribunal administratif pour demander l’annulation de l’arrêté du 7 octobre 2009 par lequel le préfet de l’Indre a déclaré d’utilité publique la création et l’exploitation d’un forage d’eau destinée à l’alimentation humaine, situé au lieudit » Les Carreaux » dans la commune d’Ardentes : jugement de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 24/07/2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000026258278