En plein débat sur les distances à respecter pour les pulvérisations de pesticides vis à vis des habitations, nous souhaitons aussi qu’on se pose la question des risques pour la qualité de l’eau potable. Quid des distances à préserver entre des pulvérisations de pesticides et les captages d’EDCH (Eaux Destinées à la Consommation Humaine) ?
Comment ne pas s’inquiéter quand on relève dans le dernier résultat des analyses du contrôle sanitaire des eaux d’Ardentes-Étrechet (forage des Carreaux) ce commentaire de Agence Régionale de Santé : «Eau… non conforme aux exigences de qualité. Présence à nouveau de molécules de pesticides (herbicides) dépassant la limite de qualité par substance […] sans toutefois atteindre le seuil du risque sanitaire pour le consommateur ».
En regardant de plus près les analyses, on constate qu’un produit de la dégradation d’un herbicide utilisé sur les colzas (le métazachlore) est présent jusqu’à 20 fois la limite de qualité et que la somme des substances chimiques identifiées dépasse la valeur globale de qualité, ce qui indique une contamination multiple par les pesticides, avec les risques liés aux « cocktails » ainsi constitués !
Que dire également quand les eaux de Châteauroux sont également non-conformes, car elles dépassent de 2 à 5 fois la limite de qualité pour ce même pesticide, et que cette situation dure depuis le début de 2018 ? Pourquoi les habitants de nos communes ne sont-ils pas informés ? Il est plus que temps que l’État et les élus locaux prennent leurs responsabilités devant cette contamination inquiétante des eaux.
Notre but n’est pas d’affoler la population et de la pousser à boire de l’eau en bouteille. Nous voulons au contraire que l’Etat et les élus locaux prennent leurs responsabilités : qu’ils informent correctement la population et que des mesures soient prises pour préserver les captages d’eau potables et éviter des contaminations par les pesticides.
EELV-36 le 20/09/2019
L’article de la NR du 23/09/2019 : Pesticides dans l’eau : les Verts de l’Indre accusent
NR-Pesticides : les Verts accusent
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Plus de précisions ci-dessous :
Un pesticide qui dépasse la limite de qualité
dans l’eau d’Ardentes-Étrechet et celle de Châteauroux
La Directive européenne eaux potables de 1998
(https://aida.ineris.fr/consultation_document/1017) en particulier l’article 4, et notamment le b) du 1er alinéa « les eaux destinées à la consommation humaine sont salubres et propres si … ». Dans l’annexe I. (https://aida.ineris.fr/consultation_document/1017#Annexe_I), c’est le tableau B qu’il faut lire. En bas du tableau on peut lire que la limite de qualité est fixée à 0,1 microgramme par litre (soit 0,1 gramme pour 1 m3) pour chaque pesticide, et 0,5 microgramme par litre pour le cumul de tous les pesticides à la fois
A l’article 9 de la directive sont décrits les possibilités de dérogation, qui supposent l’absence de « danger potentiel pour la santé des personnes », une durée maximale de 3 ans et l’engagement de mesures visant à corriger les dépassements. Il est également requis l’information de la population (cf alinéa 6 de l’article, à propos de la dérogation) : « Tout État membre qui a recours aux dérogations prévues par le présent article veille à ce que la population affectée par une telle dérogation soit informée rapidement et de manière appropriée de la dérogation et des conditions dont elle est assortie. »
Eaux d’Ardentes et de Châteauroux : dépassement des limites de qualité pour l’ESA métazachlore
Ce n’est que depuis début 2018, qu’en région Centre, on recherche dans les eaux destinées à la consommation humaine le métazachlore et ses métabolites, en plus de nombreux autres pesticides. Le métazachlore est un herbicide utilisé sur colza.
Depuis lors, sur les périmètres de distribution « Châteauroux nord » et « Châteauroux sud », comme sur celui d’Ardentes, on trouve régulièrement un métabolite du métazachlore (ESA métazachlore, abrégé dans les analyses en ESAMTZC) en quantité supérieure à la limite de qualité (0,1 microgramme par litre). Donc l’eau est non-conforme de catégorie NC1, et devrait faire l’objet d’une dérogation et d’une information du public concerné.
A cette adresse internet (https://orobnat.sante.gouv.fr/orobnat/afficherPage.do?methode=menu&usd=AEP&idRegion=24), on peut trouver toutes les analyses d’eau de la région Centre.
Pour l’un et l’autre des 2 réseaux de Châteauroux (sud et nord), les premières analyses non-conformes datent du 19/04/2018 avec des quantités d’ESA métazachlore de 0,2 à 0,5 microgramme par litre.
Le bulletin d’analyse du réseau Châteauroux nord en date du 09/08/2019 montre une teneur en ESA métazachlore de 0,300 microgramme par litre, soit 3 fois la limite de qualité. Et ainsi de suite jusqu’à début 2018. Même chose pour Châteauroux sud (réseau), et là c’est l’analyse du 09/08/2019 qui montre une teneur en ESA métazachlore de 0,284 microgramme par litre.
Pour la commune d’Ardentes, avec le réseau « Ardentes Étrechet« , la plus récente analyse non conforme date du 25/06/19, et la teneur en ESA métazachlore est carrément à 1,698 microgramme par litre, soit 17 fois la limite de qualité, et ce n’est pas la pire analyse depuis 2018. L’analyse du 13/03/19 montrait elle la teneur record de 2,009 microgramme par litre, plus de 20 fois la limite de qualité.
Cerise sur la pomme empoisonnée, à plusieurs reprises, la somme des teneurs en pesticides a dépassé 0,5 microgramme par litre.
Sur l’analyse du 27/08, la seule mention de « Eau non-conforme aux exigences de qualité. Présence de molécules de pesticides (herbicides), à l’état de traces ou dépassant la limite de qualité. Cumul des substances identifiées supérieur à (0,5µg/l). » est un vrai choc … et une révélation discrète. Plusieurs analyses précédentes disent la même chose…
Pas de véritable information de la population
Et bien sûr aucune information d’aucune sorte. C’est sûr, ce n’est pas très glorieux, et le magazine de Châteauroux métropole n’est pas le bon endroit pour une telle information …
Il n’y a eu aucune information du public, sauf de manière très sommaire. Avec ces liens (https://www.atlasante.fr/atlasante/infofactures/R24/Infofactures/2017/036003579.pdf), on peut consulter les bulletins de synthèse 2017 pour Châteauroux sud et nord, bulletins adressés en même temps que la facture d’eau.
Tout en bas, on peut lire « En ce premier trimestre 2018, les résultats d’analyses révèlent la présence de sous-produits phytosanitaires à l’état de traces ou dépassant la norme en vigueur tout en restant très inférieurs au seuil du risque sanitaire pour le consommateur. L’eau peut être consommée sans restriction. Un suivi renforcé a été mis en place afin de suivre l’évolution de la situation. » Difficile de faire plus flou.
À ce jour, le bulletin pour 2018 n’a pas été fourni, alors que toute l’année a été non-conforme sur les 2 réseaux/secteurs de Châteauroux et encore plus gravement sur celui d’Ardentes-Étrechet.
Aucune autre information d’aucune sorte. Sans doute le magazine de Châteauroux métropole, distribué dans tous les foyers, n’est -il pas apparu le bon endroit pour une telle information …
Une Eau « non conforme » mais ne présentant « pas de risque sanitaire » pour le consommateur ?
Jusqu’en 2010, la France appliquait à peu près consciencieusement la directive européenne de 1998. Puis sous le gouvernement Fillon, quelques mois après le tristement célèbre « l’environnement, ça commence à bien faire » proclamé devant un parterre d’agriculteurs, la réglementation française a été « adaptée » par une circulaire de décembre 2010 du ministère en charge de la santé (https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2011/11-01/ste_20110001_0100_0131.pdf).
Avec l’appui de l’ANSES, on est passé du principe de précaution… au principe d’acceptation limitée des risques.
La directive de l’UE partait de l’idée que les pesticides étant potentiellement dangereux pour la santé on ne devait pas en retrouver dans l’eau potable.
La logique est très différente. Dans la circulaire du ministère de la santé. A la fin du chapitre 4.2 (page 7), on peut y lire « L’ANSES estime ainsi que l’ingestion pendant la vie entière d’une eau contenant un pesticide à une concentration inférieure ou égale à la valeur sanitaire maximale (Vmax) n’entraîne, sur la base des critères toxicologiques retenus et en l’état actuel des connaissances, aucun effet néfaste pour la santé. Bien entendu, la Vmax est supérieure ou égale à 0,1 microgramme par litre, sauf rares exceptions.
Depuis cette date, l’ANSES publie des valeurs sanitaires maximales, essentiellement en fonction des demandes émises par le ministère en charge de la santé sanitaires. Une synthèse des règles en France en pp. 2 et 3 du « Bilan de la qualité de l’eau du robinet vis à vis des pesticides » pour l’année 2017 (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_pesticides_2017.pdf), publié par le ministère en charge de la santé.
L’eau potable contaminée au-delà de 0,1 microgramme par litre est qualifiée de « non-conforme », mais reste considérée comme « potable « si l’on est sous la Vmax. « Non conforme » mais « potable, » cherchez l’erreur, cela est incompréhensible pour les buveurs d’eau mais aussi pour les élus qui peuvent ainsi ne rien faire …
N’y-a-t-il pas quelque chose de choquant à voir l’ANSES, en droite ligne de ceux à qui il a fait suite (AFSSAPS et autre), délivrer des autorisations de mise sur le marché des pesticides, et être l’organisme qui fixe quelques années après les « limites sanitaires » de ces mêmes molécules.
Quoiqu’il en soit donc, même si d’un point de vue légal l’eau non conforme peut être déclarée « potable » il n’en reste pas moins qu’il manque quand même
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l’information des usagers,
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la demande de dérogation temporaire par rapport aux « limites de qualité »,
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la délivrance de cette dérogation par le Préfet,
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l’engagement des actions correctives.
De plus, à notre connaissance, il n’existe pas de « limite sanitaire maximale » permettant de déroger à la directive Euroépenne pour ce qui concerne la limite de qualité de 0,5 microgrammes par litre fixée par la directive Européenne pour le cumul des pesticides analysés. D’où peut-être la difficulté à rédiger une notice d’information pour les consommateurs pour l’année 2018… Cette notion de cumul des nombreux pesticides présents dans l’eau est pourtant essentielle parce que l’on suspecte des « effets cocktails » alors que l’ANSES elle-même estime qu’ils mériteraient des investigations.
Au final, on peut s’interroger sur cette approche de l’État qui tente a postériori de justifier et de banaliser une contamination des eaux de boisson de plus en plus manifeste et importante. Et l’attitude des collectivités n’est pas exemplaire non plus.
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L’ALABAMA de BASF est un des pesticides utilisés comme herbicide sur le colza qui comprend du METACHLORE.
On a trouvé ici : https://www.agro.basf.fr/fr/produits/catalogue_produits/ALABAMA.html son Classement toxicologique avec les Mentions de danger
- H317: Peut provoquer une allergie cutanée.
- H351: Susceptible de provoquer le cancer.
- H400: Très toxique pour les organismes aquatiques.
- H410: Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme.
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Ci-dessous un article de Fabrice NICOLINO de 2016